Arts / Numérisation / Fractals

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Jean Letourneur / Sculpture fractale et Turbulences chaotiques

 

 

  

Jean Letourneur, sculpteur du Chaos fractal

 

 

Jean Letourneur_Surfaces de discontinuités_Pierre polychrome_1986Une forme techno-esthétique puissante de baroquisme fractaliste caractérise l’œuvre sculpturale de Jean Letourneur – sculpteur, professeur de sculpture et théoricien du fractal en sculpture – qui puise directement ses conceptions artistiques, depuis les années 1980, dans la mécanique des fluides et la physique des turbulences en milieu liquide. Procédant à partir d’études scientifiques de modélisations de la turbulence et du chaos à diverses échelles de grandeur, Jean Letourneur crée des structures plastiques tourmentées qui simulent des chaînes de vortex contournant des obstacles à la manière de tourbillons fluviaux puissants, enroulés sur eux-mêmes. La science de la turbulence, à laquelle il s’intéresse passionnément, lui inspire des sculptures « matricielles » (en bronze, marbre, plâtre et pierre polychromes) qui sont des métaphores impressionnantes de la lutte universelle contre l’entropie énergétique. Il incarne le mouvement tourbillonnaire dans le plâtre, la pierre ou le bronze, par la technique de la taille directe au burin, donc sans utiliser la stéréolithographie numérique. [→ Image ci-contre : Jean Letourneur, Surfaces de discontinuités (Discontinuous surfaces), Pierre polychrome, 105 × 36 × 26 cm, 1986.]

 

Jean Letourneur_Bifurcations_Plâtre polychrome_1995Son travail artistique – sculptural mais aussi graphique, car il se consacre également à la création d'estampes artisanales ou numériques, inspirées des fractals – fige de manière symbolique l'incoercible dynamisme chaotique en une configuration baroque, bien que géométriquement très régulée, qui symbolise le combat entre la géométrie euclidienne « idéalisante » des dimensions entières, et la géométrie fractale plus « réaliste » des dimensions fractionnaires, spécifique des attracteurs étranges et des phénomènes de turbulence tels que les vortex hydrauliques ou météorologiques, ou les bifurcations spatiales propres aux phénomènes aérodynamiques. Au-delà des énergies physiques turbulentes qui animent le cosmos,

son œuvre sculptée et graphique évoque également, par extrapolation philosophique, la transmutation permanente des mentalités individuelles et collectives, entraînées au sein du gigantesque maelström de l’information médiatique et du mélange des cultures mondiales. [→ Image ci-contre : Jean Letourneur, Bifurcations (Forks), Plâtre polychrome, 70 × 35 × 28 cm, 1995.]

 

Jean Letourneur_Anabase, 1995_Biface, 1994_Bronzes

 

 

 

 

 

 

  

[→ Image ci-contre : Jean Letourneur, à gauche : Anabase (Anabasis), Bronze, 26,5 × 8 × 7 cm, 1995 ; à droite : Biface (Biface), Bronze, 35,5 × 7 × 6,5 cm, 1994.]

 

 

 

 

 

Les photographies sont extraites du catalogue : Jean Letourneur, Anatomies du Chaos – 1986-1996, ONERA / Hermès Paris, Juin 1997, avec l'aimable autorisation de l'artiste.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Les petits enfants aiment jouer sur le lit de leurs parents. Les miens avaient tapissé leur chambre d’une tenture d’André Derain, que je pouvais examiner à loisir depuis ce poste d’observation rapproché. L’un des dessins se posait véritablement comme une énigme. Vue de dos, une dame au drapé aérien était précédée de la barre horizontale d’une longue écharpe. Pourquoi ne pendait-elle pas sagement ? Là sont probablement nées les deux passions qui me guident : la tradition classique — le drapé évoquait l’une des immortelles figures de Ghiberti — et la mécanique des fluides, science de la turbulence, qui se manifestait ici par les caprices du vent. Ma formation de sculpteur achevée, j’ai trouvé avec les théories du chaos apparues dans les années 70, les précieux outils conceptuels permettant de comprendre la nature dans ses manifestations les plus imprévisibles. Convaincu que l’imagination se nourrit à la source de connaissances objectives, je tente depuis lors d’intégrer ces concepts directeurs dans mes sculptures, en élaborant des volumes reliés par d’invisibles lignes de force, où ordre et désordre cohabitent parfois, et où s’imposent des structures inattendues. Comme "les longs muscles du fleuve" épousent le corps du nageur selon Giono, la sculpture devient alors une sorte de matrice ouvrant, au-delà de ses limites formelles, à des plongements de l’esprit dans le fleuve du monde, où se reflète l’unité des forces qui le gouvernent. "Une flèche, une vie", enseignait un maître zen. Mes sculptures se développent dans la flèche du temps, témoignant d’une lutte contre l’entropie qui les défera. » Jean Letourneur, in Catalogue Anatomies du Chaos – 1986-1996, ONERA / Hermès Paris, Juin 1997, p. 1.

 

  

Site officiel de Jean Letourneur

   

 

© Jean-Claude Chirollet

 



24/05/2012